Le mont des philosophes
Mons philosophorum
Zoran Perowanowitsch
Une représentation centrale du rosicrucianisme c`est le Mont de la philosophie qui se trouve dans
l`ouvrage «Les figures secrètes des Rose-Croix». La considération suivante tente de suivre pas à
pas le cheminement d`apprentissage chrétien dans les figures et symboles de cette carte paysagère
de la vie intérieure.
Mons Philosophorum, mont des philosophes, figure secrète des Rose-Croix,
Altona 1785/88, réédition Berlin 1919, p.11
Devant le mur
Le mont est entouré d`un mur, qui sépare le domaine d`évolution en extérieur et intérieur. Devant le
mur, on voit trois personnages qui symbolisent les énergies de l`âme : penser (à gauche), vouloir (à
gauche vers l`intérieur), et sentiment (à droite). Entre eux cabriole un lièvre les idées qui
vagabondent encore arbitrairement de-ci de-là, qui changent d`une direction à l`autre. Cette
agitation intérieure laisse les énergies de l`âme agir en désordre les unes sur les autres. Si
l`arbitraire de la vie représentative se calme, les composantes de l`âme se différencient et entrent au
service du Je, qui apparaît dans l`homme nu. Ainsi comprend-on les gestes déférents des trois
personnages devant l`homme, qui sur la voie de sa purification a déposé ses vieux « vêtements ». Il
a rendu serviables les énergies de l`âme. Les exercices donnés par Rudolf Steiner, qui commencent
par le contrôle des idées (lièvre) et la rétrospective quotidienne, servent à atteindre une relation
objective avec sa personne individuelle et correspondent à ce niveau d`apprentissage.
Si l`image continue de se révéler, on remarque que rien n’est accessoire. Ainsi les personnages à
l`extérieur de gauche et de droite portent des pantalons jaunes, alors que celui de gauche à
l`intérieur porte un pantalon blanc. Le jaune passe pour être attribué à la qualité active du Soleil,
alors que le blanc symbolise les qualités passives de la Lune. On indique ainsi que le penser et le
sentir sont toujours plus actifs, la volonté devient plus passive et afflue plutôt de l`extérieur. En
outre les yeux du personnage de gauche (penser) sont bandés, ce qui renvoie au fait qu`il doit
renoncer à une vie personnelle qui se détourne du Je.
Derrière le mur
À droite, à côté de l`homme, nous revoyons le lièvre dans l`ombre, et à gauche, une poule qui couve
en pleine lumière, près de l`eau. Le penser et vouloir se tenant à disposition, ressurgit à gauche,
sous l`image du lièvre en tant que vertu spirituelle d`attention. La vie des sensations purifiée se
transforme, à droite, dans la vertu d`âme de la poule couvant, le don de soi. Ces deux qualités sont
le préalable à l`évolution intérieure de tout un chacun. Les énergies du don de soi de la poule
doivent être intensifiées jusqu`à l`humilité, sans laquelle un développement supérieur n`est
absolument pas possible.
Devant le second porche
La perfection morale forme la base d`un penser se formant toujours plus fortement à la réalité, qui
apparaît dans le dragon doré. Il ouvre le second degré de l`image, qui est introduite par un corbeau
noir et un aigle blanc qu-dessus du porche. Le corbeau répond d`un penser qui a reconnu les limites
de ses possibilités et est prêt à se transformer en aigle. Certes, le corbeau s`est détaché de
l`identification avec l`intellect, mais il reste relié à la tête qui s`éprouve dans la polarité intérieur-
extérieur, par un penser lié aux sens. L`aigle marque un nouveau penser. Celui-ci se vit moins dans
la position horizontale que dans celle verticale de la polarité haut-et-bas, du macrocosme et du
microcosme. Cette transition s`accomplit, lorsque le Je surmonte la polarité intérieur-extérieur dans
l`expérience de sa vie et se détache avec cela du « lieu » entre les deux yeux, auquel est relié l`être
humain d`aujourd`hui en rapport avec son penser. S`il surmonte cette oscillation du pendule de
l’intérieur-extérieur, il devient alors conscient de sa verticale et de ce fait de son entité en dehors du
corps physique, ce qui mène à l`imagination « d`être crucifié » de son soi dans son corps.
Entre corbeau et aigle une surface blanche est posée. Celle-ci attire l`attention sur le fait que n`est
autorisé à entrer que celui dont le penser ressemble à la pureté d`une page blanche, qui n`est donc
plus déterminé par des représentations polaires. L`aigle blanc répond de ce penser apuré et prépare
l`ouverture du porche à la base de la tour.
Dans le bain et dans le four
Une fois le lien avec la tête surmonté, le Je fait l’expérience de base de sa corporéité d`une sorte de
mise au tombeau, qui ressemble à celui de la plante dont la graine est mise dans l`obscurité de la
terre. Le processus qui s`accomplit à présent correspond à un bain ou bien à un baptême, auquel suit
la résurrection. Au-dessus du corbeau, nous voyons le symbole du Soleil, de la Lune et de Mercure.
Mercure est caractérisé aussi comme enfant du Soleil et la Lune caractérise aussi le nouvel être
humain prenant naissance à partir de la synthèse du Soleil (masculin) et de la Lune (féminin). À
gauche de la tour, Soleil et Lune se réunissent dans un bain, tandis qu``
à droite de la tour, la fumée
monte du four en fonctionnement. Dans le four se trouve une cornue qui représente le processus de
la résurrection spirituelle à partir de la corporéité.
Dans le dessin ci-contre cet événement est encore
une fois à voir de manière plus détaillée. Il montre
une union masculine (Soleil) et féminine (Lune
s`accomplissant dans un bain au fond d`un ballon
duquel s`élève l`être humain supérieur (Mercure).
À présent les forces célestes agissent pour
préparer le déploiement dans la verticale de bas
en haut qui, au moyen d`une « Ascension »,
surmonte la limitation corporelle en un floraison.
Mercure, ou bien je Je humain guéri, devient ainsi
messager des Dieux entre Ciel et Terre.
« Union alchymique »,
illustration de l`ouvrage « Donum Dei »
Ortus diviciarum sapience Dei »,
17ème siècle.
La clef de Mercure et L`arbre étoilé
Sur le dessin de droite, il tient dans sa main droite la clef menant à la sphère de la sagesse cosmique Sophia, qui s`ouvre au-delà de la septième planète,
Saturne. Dans la main gauche il tient le bâton de Mercure en tant que signe du dépassement de la corporéité par les
énergies verticales de son âme, ce qui le mène à Jupiter, à la planète de la sagesse. Après que la polarité horizontale a
été harmonisée, c`est à présent celle verticale du haut et du bas qui est surmontée, ce par quoi le porche de Saturne est
ouvert et la sphère des étoiles fixes est réalisée dans l`intuition.
Ce degré est représenté sur le mont des philosophes par l`arbre garni d`étoiles. Ici nous éprouvons pour la première
fois « l`Être », au sens « Être-tout-Un », au-delà de tout objet de al polarité sensible. C`est l`expérience du corps astral purifié dans le bleu le plus pur rayonnant, qui est
représenté dans la sagesse rosicrucienne par la sphère des étoiles fixes, dans les représentations chrétiennes par le
manteau bleu constellé d`étoiles de Marie. C`est l`intuition de notre Être-conscient ou bien la fleur bleue à laquelle
aspire ardemment Novalis dans sa quête de « Sophia.
Hiebner von Schneeberg « Mysterium Sigillorum Erfurt 1696
Retour à la Terre
Dans cette expérience de la conscience pure, au-delà de tout objet du monde sensible, repose la
grande tentation de se détacher de l`évolution de la Terre. Lorsque l`esprit, qui aspire nonobstant à
ce niveau du cheminement spirituel, ne se croit pas content de soi d`avoir atteint le but, alors il peut
rencontrer le grand Gardien du seuil, le Christ Lui-même. Cette vue de l`amour oublieux de soi
indique de nouveau le retour vers la Terre.
Cette rencontre nous protège du danger d`être satisfait du perfectionnement de notre âme. Tous les
autres degrés de développement montrent comment l`individualité peut se rendre capable d`agir
avec le Christ à l`évolution de la Terre. Les premiers degrés conduisant à l`expérience de l`être
humain supérieur n`ont pas de but personnel, au contraire, ils sont une préparation pour agir et
collaborer au déploiement d`une conscience englobant l`ensemble de l`Humanité.
La maison sur le mont et un c`ur nouveau
L`homme construit sa maison sur la tour, après la rencontre avec le Christ, non pas en dessous de
l`arbre aux étoiles (Sophia), mais plutôt sous le sommet. La fumée de la maison continue de monter
jusqu`au sommet, vers les degrés d`initiation supérieurs. Au premier degré, l`homme dut se
dépouillé de ses vêtements quotidiens pour s`approcher de la Vierge Sophia cosmique sur la voie de
la purification. Il dut être dénudé, pour pouvoir la rencontrer. L`homme sur le mont revêt à présent
un vêtement bleu et porte une barbe blanche comme symbole de son corps astral apuré, qui porte
une sagesse pure. Dans la réalisation de la sagesse-Sophia nous parcourons des niveaux de
conscience, que les Rose-Croix, en suivant les termes des alchymistes, décrivent comme les trois
degrés apparentés comme Nigredo (le noir) à l`Albedo (le blanc/argent) et finalement au Rubedo
(rubéfaction/or). Les deux premiers correspondent à notre image de la transformation du corbeau
noir en aigle blanc. Par la rencontre avec le grand Gardien du Seuil (Christ), et le chemin du retour
vers la Terre, l`expérience de Sophia descend dans sa beauté et sa pureté dans le domaine de la
poitrine, ce par quoi se forme un nouvel organe du milieu. La vertu du corps astral purifié éveille
des énergies éthériques à la formation d`un nouvel organe-c`ur. Ce troisième degré de
transformation est appelé « Rubedo » (rubéfaction/dorure). Lorsque ce nouveau c`ur s`ouvre dans
l`enceinte du corps astral purifié et que la « rose rouge » commence à fleurir, on se met à s`écouler
tel un courant de lumière en fusion jusqu`au Christ solaire. Cette étreinte la plus intérieure peut
mener à la prise de conscience du Soi spirituel.
Nouveau c`ur et nouvel arbre
Si au commencement du chemin les vêtements de tous les jours furent déposés, si l`être humain
supérieur passa ensuite sa tunique bleue de Sophia de la sphère astral purifiée, à présent il reçoit
dans « l`étreinte du Christ » une nouvelle robe, un nouveau corps. Ce corps de résurrection est à
partir des qualités du c`ur tissé de feu, de lumière et d`amour et d`une image du Christ Lui-même.
Alors l`homme dans la tunique bleue à la capacité de se pencher consciemment au-delà des
créneaux de la tour et d`enfoncer les racines de l`arbre dans la couronne duquel un petit flacon et
une septième étoile sont visibles dans le baquet où Soleil et Lune ont réalisé une synthèse. Cela
montre qu`à partir de l`expérience du Christ il pénètre de nouveau son âme de l`intérêt pour la Terre
et se tourne de nouveau vers elle, libre qu`il est à présent d`un lien avec le monde sensible polaire.
Plus nous sommes pénétrés de l`entité du Christ, plus forte devient la vertu spirituelle de
métamorphoser la matière en or, ou bien la Terre en un nouveau Soleil. Dans la langue imagée du
mont des philosophes cette vertu qui se renforce est représentée comme un élixir dans un flacon,
que l`homme conserve dans la couronne de l`arbre.
Le lion en tant que coeur du mont
Au centre du mont des philosophes se trouve un lion d`or sur un tertre surélevé. Il symbolise
l`initié qui est passé à ce degré de développement représenté dans cette image. C`est le symbole
pour le Soleil, le Je qui, après avoir traversé le porche de Saturne ne peut en rester là, car au
contraire, après avoir rencontré le grand Gardien du seuil, il se tourne de nouveau vers la Terre pour
collaborer à sa christification. Cette christification de la Terre est le but du développement terrestre,
ce qui dans l`image est exprimé par le globe impérial, avec l`anneau d`or et la Croix au sommet de
la montagne. La couronne qui plane au-dessus du sommet de la montagne signale la spiritualité
supérieure qui afflue du Cosmos. C`est le mystère du Père, dont aucun être humain ne peut se faire
une image.
Das Goetheanum, n°25/2013.
(Traduction Daniel Kmiecik)
Zoran Perowanowitsch vit à Sölden en tant qu`auteur libre.
Une version non abrégée du Texte se trouve sur Internet : www.kitesh.de